Diable ! Je me suis fait avoir ! Drôle de façon de commencer un livre qui voudrait parler de Dieu. Mais c’était plus fort que moi, et je n’ai pas pu me retenir. Imaginez que vous découvriez après coup que la jeune ourse des Carpates que vous croyez avoir introduite dans les Pyrénées est en fait une vieille rombière qui, en plus, passe son temps à tuer vos moutons. Ou encore, vous rentrez chez vous et en défaisant vos emplettes, vous vous rendez compte que la bague en or, achetée pour votre fiancée, est en métal doré. C’est déjà grave, mais ce n’est rien par rapport à ce qu’ils ont voulu me faire. Ils m’ont refilé un Dieu moribond. Un Dieu, cela ne se remplace pas comme une bague. Voyez le temps qu’il nous a fallu, d’Adam à Jésus, pour juste modifier les comportements du nôtre. Un Dieu, ça dure toute l’éternité et quand vous en perdez un, il vous faut une autre éternité pour le remplacer. Et une éternité, c’est plutôt long !
Ils m’ont refilé un Dieu moribond. Qui ? À votre avis ! Les Blancs, bien sûr ! C’est ce qu’ils ont cru, que ce Dieu était en piteux état. Mais les choses sont bien plus complexes. Depuis deux mille ans, avec le message du Nazaréen, notre Dieu a cessé d’être un esprit frappeur. Il est resté sagement dans son coin, à nous regarder jouir de notre liberté et de notre intelligence. Certains disent qu’il est comme un horloger qui n’a plus de prise directe sur sa mécanique. Cette liberté et cette intelligence, nous en avons usé ; nous en avons abusé. Nous les avons pressurées. L’oeil de Dieu nous regardait agir sans réagir. Nous étions comme cet enfant qui tire la moustache ou la queue du chat et Raminagrobis ne réagit pas. Je vous parie tout ce que vous voulez, que cet enfant va courir vers ses parents en criant : papa, maman, le chat est mort ! Alors, eux aussi ils ont crié : nom de dieu, Dieu est mort !
Après une longue analyse, après des errements, je me suis posé des questions sur l’état de santé de ce Dieu qu’ils m’avaient refilé. Et s’ils avaient confondu vivacité et vitalité ? Et s’ils avaient tout simplement cru jeter le bébé avec l’eau du bain ? Si Dieu ne dit mot, cela voudrait-il dire qu’il consent ? Si Dieu ne frappe plus, cela voudrait-il dire qu’il est mourant ? J’ai compris à quel point les choses étaient bien plus complexes. Et si nous en étions simplement à une nouvelle mutation de Dieu, peut-être moins radicale que celle qui est intervenue entre l’Ancien et le Nouveau Testament ? En effet, à part de temps en temps quelques néo-prophètes millénaristes illuminés ou fieffés escrocs, il ne se profile pas un réel messie à l’horizon. N’est-ce pas le bond technologique que nous avons réalisé en moins d’un siècle grâce à l’intelligence dont Dieu nous a dotés, qui devient prétexte à chamboulement dans notre vision de ce même Dieu ? Jusqu’à penser qu’il est bien mal en point ! Jusqu’à lui écrire un certificat de décès ! Où en sommes-nous ? C’est à la réflexion sur nos angoisses existentielles que ce modeste texte voudrait apporter sa contribution.
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