La Femme du Blanc

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J’ai 15 ans. Je suis vierge et déjà vieille fille pour mon âge.
La chamelle du vieux Maure s’est enfuie avant l’aurore.
De ce fait, le lait de chamelle était dur à trouver.
Dieu de René, écris pour moi, écris !
Moi et les fantômes qui me précèdent avons dû marcher longtemps pour nous en procurer.
Pieds nus dans le sable caillouteux, je me suis dirigée vers le nord à la recherche de nouvelles bergeries. Mon voile bleu indigo serré contre moi, je flottais dans le vent comme un long chèche défait et perdu, pendant que le désert, le désert de mon père, me recouvrait peu à peu de sa tonne de sable, de sable. De sable…
Dieu de René, écris pour moi, écris !
Au bout de plusieurs jours de marche solitaire, j’oublie les convenances et échange pour plus de commodité mon apparence d’humaine contre celle d’une femme-sable, mystérieusement sortie des entrailles de la terre, quand des lueurs m’interpellent. Je me rapproche d’un campement, je reviens à l’humain. Femme-sable, humaine. Femme-esprit ou humaine ?
Surgie de nulle part, j’apparais tel un être fabuleux, mi-femme mi-esprit, dotée de cette beauté trop parfaite qui fait peur aux gens d’ici. Les uns m’ont nourrie. Les autres m’ont pourchassée comme une bête sauvage. Mais personne, personne n’a jamais eu assez de cran pour m’offrir, ne serait-ce qu’une nuit, une simple couchette.
Seule face à moi, je me détends près des points d’eau abandonnés, buvant parfois l’eau saumâtre piétinée par un troupeau, me couchant à la belle étoile au milieu de scorpions et de vipères. Les paupières lourdes, je me laisse attendrir par le chant des dunes et du vent, berceuse miraculeuse, tout près, tout près.
J’ai eu à craindre cependant que le soleil ne m’abuse en me forçant à ralentir mon pas. J’ai dû m’abriter sous l’ombre rare de quelques arbustes épineux.
Comme j’ai espéré que la chance me sourie au petit matin ! La météo sera-t-elle plus clémente à mon égard durant le reste de mon voyage ? Demain, si demain vient !
La chance me sourit finalement au bout du quatrième jour. Mon voyage n’est plus troublé par les frasques imprévisibles de l’harmattan.
Ma démarche, bien qu’hésitante à cause de l’épuisement, n’est pas douloureuse. Je tiens encore sur la tête ma calebasse vide, dernier vestige d’une vie ordinaire, et dans ma ceinture en peau de chèvre tannée, des secrets divinatoires vieux de mille ans, à troquer au besoin contre une pièce, de la nourriture, un renseignement.
J’arbore sous mes voiles ce que je possède de plus cher, mes traces gravées dans ma peau et un coussinet large de trois doigts, rempli de la poussière d’argile mêlée à quelques brins d’herbe sèche. Ma première terre, témoin de mon premier souffle !
Dieu de René, écris pour moi, écris !


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